La vie est comme une échelle que l’on gravit, avec une alternance de chutes et de progrès tout du long. La vie spirituelle n’est pas en reste, le chemin qui mène l’âme terrestre du monde à Dieu, truffé de démons et d’obstacles, se compose de déviations salutaires et de raccourcis mortifères. St Benoît nous a avertis : « Certaines routes semblent droites aux hommes, et pourtant elles conduisent loin de Dieu pour toujours. » Chers soldats du Christ, faisons le point ensemble en ce début de carême pour ajuster notre trajectoire.
Des deux grands itinéraires possibles
La voie large – Le pécheur endurci.
« A l’égard des personnes qui vont de péché mortel en péché mortel, la conduite ordinaire de l’ennemi est de leur proposer des plaisirs apparents, leur occupant l’imagination de jouissances et de voluptés sensuelles, afin de les retenir et de les plonger plus avant dans leurs vices et dans leurs péchés. Le Bon Esprit, au contraire, agit en elles d’une manière opposée, il excite dans leur conscience le trouble et le remords, en leur faisant sentir les reproches de la raison. (Ie semaine – Première règle) [1] »
Le démon tente le pécheur en lui présentant des images obscènes et impures qui proviennent des souvenirs ou des vidéos déjà visionnée comme par exemple la pornographie. Il joue sur son imagination par de fortes convoitises : la haine du gouvernement, la rancune chez les femmes, la jalousie dans les familles. La voix de celui-ci est perçue comme bienveillante et amicale, elle ne trouve aucune résistance dans l’âme qui lui est acquise.
Quant à celle de l’ange gardien, elle se manifeste par des mouvements de raison et est perçue comme une agression : de fait c’en est une ; elle excite le vers rongeur de la conscience qui est celui-là même qui tourmente temporairement les âmes du purgatoire et éternellement celle des damnées, il fait violence à l’âme tant qu’il en est encore tant pour qu’elle s’extraie de cet état qui lui vaudra un sort triste et lugubre. Il est courant de se voir traité comme un agresseur lorsqu’on effleure la conscience d’une âme en lui suggérant des pensées salutaires ou simplement lorsque sont évoquées au choix les sacrements, la sainte messe, l’Église : cela explique le vécu de prêtres se faisant insulter gratuitement, ou victimes de clameurs lorsqu’ils parlent simplement de sujets banaux à une personne éloignée de Dieu et qui n’a que rancœur et haine contre Celui qui commande une vie opposée à la leur. Pour les âmes plus âgées, il leur remémore également de pieux souvenirs l’enfance. La question des fins dernières provoque l’indifférence ou est passablement moquée, en effet elle est un problème pour cette conscience troublée qui se résolut alors à reléguer dans les méandres de son esprit ces pensées ô combien dérangeantes. En plus de pêcher, les apparences semblent montrer qu’il apprécie cela. [2]
Il est un niveau intermédiaire par lequel l’âme pourra passer, suite à la découverte de son état : tout en prenant progressivement conscience du mal qu’elle commet, elle continuera à le faire car elle semble ne pas pouvoir à son appétit, ne prenant aucune mesure pour y remédier. Cela peut être par présomption ou par ignorance : n’ayant pas recours aux sacrements, il lui manque la grâce sanctifiante qu’elle obtiendra de Dieu en allant Lui demander pardon par le sacrement de pénitence afin de recouvrer la vie de l’âme. Afin d’évoluer spirituellement, il faudra ajouter à leur regret(s) et à leur volonté de ne plus recommencer la ferme résolution qui se traduit par des actes concrets : fuite des occasions de péchés, hygiène de vie réglée (emploi du temps, prières journalières) et recours aux sacrements.
La voie étroite – Le pécheur repenti.
« Dans les personnes qui travaillent courageusement à se purifier de leurs péchés et vont de bien en mieux dans le service de Dieu, Notre-Seigneur, le Bon et mauvais esprit opèrent en sens inverse de la règle précédente. Car c’est le propre du mauvais esprit de leur causer de la tristesse et des tourments de conscience, d’élever devant elles des obstacles, de les troubler par des raisonnements faux, afin d’arrêter leurs progrès dans le chemin de la vertu, au contraire, c’est le propre du Bon Esprit de leur donner du courage et des forces, de les consoler, de leur faire répandre des larmes, de leur envoyer de bonnes inspirations et de les établir dans le calme ; leur facilitant la voie et levant devant elles tous les obstacles, afin qu’elles avancent de plus en plus dans le bien. » (Ie semaine – Deuxième règle) [1]
Le démon, dont la voix est désormais dure et sévère trouble par des tourments de conscience, des obstacles, de la tristesse, des raisonnements faux, il tente de décourager par des remarques cassantes ou des railleries tels: « laisse tomber ! tu n’y arriveras pas. » ou « Tu n’aurais pas dû faire cela ! », « ça ne sert à rien ce que tu fais ». Son but : arrêter le progrès et stopper les résolutions, ce qui peut se manifester également par un malaise 2 à 3 semaines après la retraite par exemple. L’ange gardien, quant à lui, donne des consolations, du courage et de la force, sa voix est désormais devenue bienveillante et amicale, et se veut encourageante. [2]
Parfois, l’adversaire aura recours à la tentation sous apparence du bien ; il s’agit de proposer quelque chose de bon ou de bien mais sur une démesure, par exemple : oraison pendant 1h ; jeûner, aumône, messe, chemin de croix ou rosaire quotidien. Conséquence : cette œuvre empêchera de faire son devoir d’état puis résultera en un découragement faisant arrêter l’effort. Cette âme juste, victime d’un zèle démesuré et présumant de ses forces, est dans l’illusion que c’est la quantité de bonnes œuvres accumulées qui compte le plus, et oublie que Notre-Seigneur nous a prévenu : « Celui qui est fidèle dans les petites choses le sera dans les grandes » (Luc 16 :10). Ainsi, la fidélité à son devoir d’état a plus de valeur que l’accumulation des bonnes œuvres, c’est là que Dieu nous attend. Aussi, il est bon de ne pas se comparer aux autres car la croix de notre prochain n’est pas la nôtre, la route du salut pour l’un n’aura pas l’effet escompté pour l’autre. N’hésitons pas, si nous-même ou nos proches sont victimes de cette tentation, d’en référer à notre directeur spirituel ; notre obéissance à ses prescriptions de tempérance dans nos résolutions aura plus de valeur aux yeux de Dieu, par la mortification de notre volonté, que la bonne œuvre poursuivie par entêtement. [3]
Le pécheur, réconcilié avec la voix de son ange gardien, messager de Dieu, cherchera à faire Sa volonté en toute chose (fruit du 5e mystère joyeux du rosaire), il sera en état de recouvrement spirituel : ayant retrouvé Jésus, il fera tout pour ne plus le perdre désormais et prendra des moyens concrets pour y parvenir. Désormais, ayant connaissance du mal, il essaie de faire le bien et cela malgré les réticences de la nature blessée par le péché originel. Engagé dans une lutte quotidienne contre lui-même et ses mauvais penchants, il tient en bride ses passions à l’aide de la grâce sanctifiante, accrue notamment par la fréquentation des sacrements.
« Dans ma conduite, j’agis en partie selon mon esprit, selon mes convictions intellectuelles et spirituelles, mais j’agis aussi selon mes désirs déréglés. Très souvent dans ma conduite, mes désirs, mes intérêts viennent entraver le fonctionnement normal de mon intelligence, si bien qu’au lieu de me laisser guider par ma tête, par mon intelligence, par la vertu de prudence, je me laisser guider par mon cœur, par mes goûts, par mes affections désordonnées. » Abbé Troadec, de l’Avent à l’Epiphanie (p.48)
Il n’est pas rare de voir des âmes en proie au découragement, (arme fatale du démon) persuadées par lui qu’il est bien trop dur même impossible de vivre chrétiennement aujourd’hui, dégringoler les barreaux de l’échelle pour s’enliser dans les bas niveaux où l’âme finit par être à la merci de ses vils instincts et de ses pulsions animales. De la même manière, il est fréquent de voir des âmes tièdes touchées par la grâce changer de vie et devenir de vrais dévots ; sanctifiés et zélés, ils tâcheront de convertir leurs semblables, souhaitant le bien des âmes pour la plus grande gloire de Dieu.
Une échelle de santé spirituelle.
La découverte de son niveau de santé spirituelle engendre nécessairement une réaction, un choc provoquant deux issues divergentes que nous allons décrire.
Perte du pécheur
Le choc peut malheureusement se révéler funeste et provoquer la perte du pécheur. Il aura pour résultat au choix un déni ou une colère contre Dieu, considéré comme un obstacle au bonheur symbolisé par une poursuite des plaisirs terrestres déréglés et refusant catégoriquement l’ordre voulu par Lui. Cette rébellion durable plonge l’âme dans les ténèbres de la mort et en fait un esclave du monde (qu’il s’agisse non seulement de l’esclavage au mondanités mais aussi au travail, à la réussite, au sport et au culte du corps, aux vedettes ou à tout autre créature à laquelle son attache est déréglée) et donc esclave de Satan, le premier à s’être rebellé contre la hiérarchie divine.
St Thomas dit que la conscience est l’application que chacun fait à soi-même de la Loi de Dieu. L’âme du pécheur impénitent fonctionne ainsi : “Au lieu de régler mes désirs selon ma conscience, je me forme une conscience selon mes désirs.”. La recherche de sa volonté propre prime sur celle de Dieu. Étape intermédiaire : il pourra même aller jusqu’au marchandage, sorte d’état de négociation où la personne va tenter de trouver des alternatives pour faire rentrer la loi réelle de Dieu dans sa perception subjective du bien, aboutissant au relativisme moral. Le poids de la culpabilité, qu’on veut faire disparaître ici temporairement, deviendra malheureusement notre tourment incessant dans l’éternité. L’âme s’attristera à l’occasion à la pensée de Dieu, qu’elle voudra aimer mais qui est un père trop strict et exigeant, ne lui autorisant pas à céder à ses caprices. Restant dans un état d’enfance indisciplinée, l’âme n’adhérera pas à « la vérité qui est en Jésus, à [se] dépouiller, en ce qui concerne [sa] vie passée, du vieil homme corrompu par les convoitises trompeuses » et ne pourra pas « revêtir l’homme nouveau » (Epître de St Paul aux Ephésiens 4 :21)
Le péché est une infection qui rend l’âme malade, il l’éloigne de Dieu qui est la source de la vie, et dans le cas où il n’est pas pris au sérieux et traité, s’il est grave il lui donne la mort. Soit le pécheur l’ignore, soit il y est indifférent. Le salut est accessible à tous, Dieu nous laisse libre de Le choisir ou pas, et malgré notre libre arbitre, les grâces de conversion sont disposées à tous : c’est nous qui choisissons de répondre à la grâce et qui produisons les actes de la volonté pour y coopérer.
Conversion du pécheur
Au contraire, ce choc peut se révéler salutaire et provoquer la conversion du pécheur. La colère provoquée par celui-ci se retournera contre lui-même puis évoluera en une tristesse d’avoir offensé le Bon Dieu, lorsque l’âme obtient la contrition commence l’acceptation de la situation, qui résulte en une sainte résignation. L’âme blessée va alors reconstruire une vie plus saine, régénérée, elle recouvrira la vie de l’âme donc la santé spirituelle (se manifestant par une collaboration à la grâce).
Cette acceptation de Dieu et de Sa volonté nous sanctifie, la chute aura été une occasion d’humilité et un retour à Dieu. Quant au prochain, se rendant compte du tort provoqué par celui-ci (exemple : parents ne veillant pas aux bonnes fréquentations des jeunes gens, clergé minimisant la faute ou complaisant envers des pécheurs ayant commis des péchés graves cf Fiducia supplicans) ils tâcheront de réparer le tort subi ou provoqué (exemple : pécheur ayant vécu en concubinage, forniqué, ou ayant volé, calomnié, perverti en promouvant des idéologies mortifères) en convertissant les éloignés de Dieu qui furent ses semblables, souhaitant le bien des âmes pour la plus grande gloire de Dieu.
« Prenons donc garde avec un soin tout particulier que, tout en croyant et en disant que nous marchons par la voie étroite et difficile, nous ne marchions en effet par la voie large et spacieuse. » (St Jean Climaque, L’échelle Sainte, Deuxième marche)
J’invite donc le lecteur à faire sa première retraite ignatienne, quel que soit le niveau où il se trouve, et dans un second temps, après avoir atteint une vie de piété stable et avoir effectué au moins 2 retraites, à faire une retraite montfortaine (au Moulin du Pin par exemple), ou à se préparer dans le monde à l’aide de l’excellent ouvrage Se consacrer à Marie de l’abbé Castelain. Il pourra ainsi renoncer aux chaînes du mondes et pratiquer le Saint esclavage selon St Louis-Marie Grignon de Montfort, afin d’accepter sa condition d’esclave de Dieu en choisissant une mère si bonne et si aimable comme maîtresse, en vue de devenir réellement enfant et esclave de celle qui, Médiatrice de toute grâce et Co-rédemptrice de l’humanité, deviendra ainsi la trésorière de ses biens spirituels pour que Jésus, Dieu le Fils, sauve son âme et la sanctifie, pour la plus grande gloire de Dieu et le bien des âmes qui l’ environnent.
Via ad Salutem, ad Majorem Dei Gloriam
[1] Discernement des esprits, St Ignace de Loyola [2] Rédaction de notes de retraites, enrichie par l’indigne 2nd Servus Mariae que je suis [3] Homélie de l’abbé Billecocq
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