Abécédaire de Mission II : Bistrot

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« Le Roi Bistrot possède, lui aussi, tous les droits, par accord politique absolument intangible, à l’immunité complète, au silence total, à tous les encouragements, pour l’exercice de son formidable trafic d’empoisonneur et d’assassin… »
« Le vin poison national ! … Le bistrot souille, endort, assassine, putréfie aussi sûrement la race française que l’opium a pourri, liquidé complètement la race chinoise… le haschisch les Perses, la coca les Aztèques… »
Louis-Ferdinand Céline, Bagatelle pour un Massacre

Voici en quels termes parlait l’écrivain français parmi les plus clivants et les plus brillants du XXème siècle. Comme souvent, et ce n’est pas un exploit, je vois les choses moins en noir que notre ami Bardamu. S’il dit vrai, je le concède, je m’en vais me faire l’avocat de ce lieu où je confesse passer certains jours de mission, plus de temps qu’à la Chapelle ou que partout ailleurs.

Je le privilégie entre 7h du matin et 12h, parfois en début d’après-midi mais jamais après le coucher du soleil, car c’est là que les démons s’y déchaînent, que les mœurs délirent, que se dévoile son côté obscur que Céline dénonce, et la Mondanité que le Père de Montfort fustige.
Malheureusement, l’Église n’est plus au centre du Village… la foule ne s’y presse plus, le Bistrot est l’un des plus populaires des temples de l’Impiété…. il est une souffrance que d’entendre cette banalisation du blasphème si fréquente en ces lieux, cause des larmes de Notre Dame de la Salette. Cependant les jurons souvent ne sont pas prononcés en pleine conscience, à chacun d’eux, à nous de répondre intérieurement ou mieux encore extérieurement ; « Dieu soit Béni », en réparation.
Ce qui m’intéresse tout particulièrement par le chemin parcouru à travers nos Provinces, c’est de connaître la France et les Français du Pays Réel, d’entendre leur voix prenant ainsi la température de la réelle « opinion publique ». Ainsi, je complète mes études par l’expérience tangible, et c’est souvent au troquet qu’on trouve le prolétaire, l’agriculteur, l’artisan, le retraité, l’assisté, le marginal, l’alcoolique et le fou du village (au temps ou il n’y en n’avait qu’un). On y trouve des écorchés vifs souvent plus dociles à la Parole de Dieu que les esclaves de la réussite fiers d’eux même, ce malgré qu’ils croupissant dans le Péché et l’Impénitence.
Mon professeur de vie spirituelle Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, nous enseignait qu’Il fallait fuir le Monde, mais qu’un chrétien pouvait et devait s’y rendre uniquement pour faire son devoir d’état. Trop s’y exposer est un risque de se laisser empoisonner par son esprit frivole qui mène à la Damnation Éternelle. Fréquenter le monde sans être du monde, tel est le défi du Chrétien.
Dans le cadre d’une mission itinérante lors de laquelle je change chaque jour de village et d’environnement, il est d’autant plus indispensable d’aller trouver avant ou après le marché, le peuple de France où il se trouve afin de me familiariser et de m’annoncer en ma qualité d’étranger. Le bistrot demeure un lieu central de mon apostolat, et l’éviter tout bonnement fermerait des opportunités professionnelles … et missionnaires, puisque c’est tout le sujet de cet ouvrage.

Que fait l’homme au bistrot ? Il se détend, il s’alcoolise, il paraît, il joue, il drague, il fume et surtout il cause … souvent de sujets vains et grivois je ne vous apprends rien… mais soudain, quelle mouche le pique ? Il philosophe -ça ne vole parfois bien haut, mais d’autres fois la Sagesse populaire nous surprend-, il questionne, il cherche, il s’ouvre, il tisse des liens, il cherche à tuer l’ennui, à tuer le temps, à satisfaire son oisiveté… alors me dis-je, autant nourrir sa faim avec du bon grain.
Comme dans les autos où je suis invité à monter, combien sont surpris de me voir en tête à tête avec ma Première Dame que je pare avec un Infini Respect, de Son Chapelet de Perles de bouleau. Combien m’abordent d’un ton parfois curieux, parfois véhément, parfois bienveillant pour me poser des questions sans que je n’eusse même à les interpeller. Quand à la demande d’un villageois, je sors mon autre compagne de voyage ; Dame ma Guitare. Je deviens alors le centre de l’attention et produit par la Grâce de Dieu, un enthousiasme contagieux, et fait naître dans le cœur de ces amis d’un jour, l’envie de me connaître et par là, de connaître Ceux qui me font me mouvoir ; Notre Seigneur Jésus-Christ et Sa Très Sainte Mère. J’insiste sur le terme choisi « d’amis » car Notre Sauveur aussi, reprenait toujours les pécheurs avec douceur (et fermeté) les appelant « mon ami ».
J’eus l’occasion lors d’anciennes chroniques intitulées « Notre Dame de la Table », d’évoquer à parfois quelques heures d’intervalle, l’éventail de réactions que peuvent susciter la présence de ma statuette de Notre Dame de Lourdes ; hostilité, mépris, scandale, indifférence, curiosité, surprise, joie, stupéfaction, édification… Sa simple présence témoigne plus efficacement que Son Indigne Esclave ne le ferait seul sans Elle, cela va de soi.

Je me souviens ému qu’en route pour les Journées Chouannes, arrivé dans la modeste bourgade de Chasseneuil-sur-Bonnieure en Angoumois, je devais attendre mon hôte du jour, rencontré à l’autre bout du Royaume lors d’un récital quelques semaines auparavant.
L’auto-stop étant une science molle, il est souvent difficile de rejoindre les braves gens qui m’accueillent à une heure bien précise, et je suis souvent contraint de patienter quelque part. Chaque minute étant précieuse, si je ne peux en user pour dire un Chapelet dans l’Église du village, il m’arrive souvent de commander un petit noir espérant qu’imprévu s’en suive.
C’était au « Victor Hugo » et cela fît mouche comme souvent, un habitué un tantinet arrosé voyant Dame ma Guitare, ne me laissant guère le temps de prendre mes aises, manda une chanson de votre serviteur. Les aubergistes donnant leur aval, j’entonne alors deux poèmes du fin lettré dont le bistrot portait le nom suivi de la Piémontaise et de ma taquinaillante chanson quenelière « Les Ripoublicains ». Lorsqu’enfin arriva mon hôte et sa fillette, ils eurent la surprise de me voir intégré à vitesse grand v à ce lieu d’où naguère je n’étais qu’étranger. Ce fût un apostolat furtif et efficace comme il y en eût tant d’autres en divers bistrots du Royaume de France. J’en garde un souvenir amusé… de nature fidèle, lorsqu’il m’arrive de si belles aventures et que mon Amour pour le Bon Dieu et Notre Dame me semble avoir été plus entendu qu’ailleurs, je ne manque point d’y repasser si l’occasion se présente de retrouver ce village lors d’une prochaine tournée.

C’est en ces lieux que j’eus maintes fois l’occasion d’entretiens privilégiés avec des villageois, ce sont souvent les plus seuls que j’attire spontanément et avec qui, quand le temps le permet, j’engage des conversations sur notre Sainte Religion, espérant ainsi les aider à se rapprocher du Bon Dieu et de Sa Très Sainte Mère dont je suis l’esclave amoureux et volontaire. Il ne fût pas rare qu’après un petit temps partagé, la confiance s’installe et que l’on me propose le gîte pour la nuit… c’est ainsi qu’encore en 2025, un Troubadour Missionnaire peut au gré de la Providence parcourir les campagnes de village en village et bénéficier d’une hospitalité et d’une générosité toute Française demeurant malgré un esprit individualiste ambiant que nous honnissons et déplorons bien souvent.
Dieu soit béni !

Louis-Antoine de Partout
Servus Mariae

4 commentaires sur « Abécédaire de Mission II : Bistrot »

  1. Salutations Louis-Antoine. Belle évocation, j’en ai un très bon souvenir aussi. Tu es le bienvenu en Charente Limousine !

    1. Salutations cher ami,
      Je ne m’attendais guère à ce que tu tombe dessus aussi vite, les anecdotes sont aléatoires et c’est tombé sur celle qui te concerne à ce chapitre là… Je pourrai en écrire tant sur mon séjour chez toi, bien des choses m’ont marqué.

      L’occasion de te remercier encore pour ton accueil, et pour m’avoir prêté studio, ce qui n’est pas rien !

      Au plaisir,
      Que Dieu te bénisse toujours par Marie, ainsi que ta famille !

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