Chers soldats du Christ, nous voici parvenus à la moitié du chemin de Carême. L’occasion pour tous de faire un bilan préliminaire, en plein cœur de cette retraite annuelle à laquelle nous invite la Sainte Eglise. Examinons notre progression à l’aide de l’épître de St Paul aux Corinthiens (1 Co 13, 1-13), qui nous fût proposé pour le dimanche de la Quinquagésime, à l’aube de la route menant à Pâques.
Des œuvres méritoires produites sans charité
“Quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien.”
La foi sans les œuvres est vaine, comme le démontre St Jacques dans son épître :
”Abraham, notre père, ne fut-il pas justifié par les œuvres quand il offrit Isaac, son fils, sur l’autel ? Tu le vois : la foi coopérait à ses œuvres et par les œuvres sa foi fut rendue parfaite.” Jacques 2, 14-26
et les œuvres de miséricorde corporelles, comme celle de nourrir ceux qui ont faim, sont des moyens de sanctification ; cependant, l’intention derrière ces actes est plus importante que les actes eux-mêmes.
Faire l’aumône ne dispense pas de l’exercice quotidien de l’examen de conscience, il en est de même pour les œuvres de miséricordes spirituelles telles qu’enseigner les ignorants, qui ne suffisent guère si nous ne nous corrigeons pas de mauvaises tendances afin de témoigner également par notre exemple.
L’aumône faite à son prochain n’est en rien un acte de vertu si l’on donne son superflu, tels les riches face à la pauvre veuve qui a mis tout ce qu’elle possédait (Marc 12, 41-44), car ils firent cet acte publiquement afin d’être glorifiés par les hommes (Matthieu 6, 1-4) et non dans le secret de Dieu ; ils n’en tireront aucune récompense.
Quand j’examine ma conscience pour y voir mes bonnes et mauvaises actions de la journée, est-ce pour en tirer une vaine gloire (dont la fuite poussa St Ignace de Loyola à de nombreux périls après sa conversion, il prit comme moyen de ne jamais révéler ses desseins finaux afin de n’en point tirer aucune) tel le pharisien et sa prière d’action de grâce pleine d’orgueil :
“Mon Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères ou bien comme ce publicain ; je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que j’acquiers.” Luc 18, 9-14
ou plutôt tel l’humble publicain, n’osant même pas lever les yeux au ciel mais se frappant la poitrine, en disant : “Mon Dieu aie pitié du pécheur que je suis !” avec une sincère contrition et un regard humble sur soi, ce qui lui permit de rentrer chez lui justifié contrairement à l’autre ? « Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. Ne perdons pas de vue que nous ne sommes rien devant Dieu, afin de ne point être surpris au jour du jugement.
Si je sens naître en moi un vif désir d’embrasser le martyr, profession de foi héroïque, signe de la suprême charité car “Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.” : est-ce réellement par un sincère amour de Dieu ou n’est-ce pas également un moyen de m’opposer au respect humain de nos concitoyens, et à l’apostasie en méprisant mon prochain pour sa lâcheté, par présomption ? N’oublions pas cette promesse de St Pierre à Notre-Seigneur Jésus-Christ : “Dussé-je mourir avec toi, non, je ne te renierai pas” (Matthieu 26, 30-35) qui comme le prouva l’histoire se brisa quelques heures après par le reniement de ce zélé apôtre. Fuir une messe douteuse, ressemblant davantage à une célébration communautaire, ou prendre en horreur les messes “una cum” pour en arriver à ne plus rendre le culte dominical, obligation du chrétien envers son Dieu, n’est-ce pas là un abandon de Celui qui nous promit de rester avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde (Matthieu 28, 20) ?
Ce même Dieu, qui sonde les cœurs ne pourra agréer l’offrande de cet acte, si bon soit-il, de même qu’il n’a pas agréé l’offrande de Caïn [1] : “car son cœur était mauvais”, son intention n’était pas pure : aussi, demandons Lui de nous accorder la pureté de cœur dans nos actions, pour que notre devoir de charité envers Dieu et envers notre prochain soit aussi rempli que notre devoir de charité envers nous-même [2].
[1] “Daignez, Seigneur, jeter sur ces offrandes un regard bienveillant et serein, et les agréer comme vous avez daigné agréer les présents de votre serviteur le juste Abel, le sacrifice de notre patriarche Abraham…” Canon, 2e prière après la consécration du Précieux Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ
[2] Mon Dieu, je vous aime de tout mon cœur et par-dessus toute chose, parce que vous êtes infiniment bon et infiniment aimable, et j’aime mon prochain comme moi-même pour l’amour de vous. (acte de charité)
De la charité envers notre prochain et envers nous-même
“La charité est patiente ; elle est douce”
“Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur” Matthieu 11, 29
N’est-ce pas un défaut récurrent, que l’impatience vis-à-vis de notre créateur ou de notre prochain ? Dieu tout puissant, infiniment juste et infiniment miséricordieux demeure d’une patience admirable envers ses enfants, pauvres pécheurs ayant mérité tant de fois l’Enfer, se permettant pourtant de ne pas user de la même bienveillance envers leurs frères. Ne craignons-nous pas la terrible vengeance d’un Dieu juste juge, qui, outré de nous voir user de si peu de patience et de miséricorde, nous dira : “Méchant serviteur, je t’ai remis toute ta dette, parce que tu m’en avais prié ; ne fallait-il donc pas avoir pitié, toi aussi, de ton compagnon, comme j’avais eu pitié de toi ?” (Matthieu 18, 23-35).
Dans cette parabole, ses camarades agirent certes avec une intention droite lorsqu’ils allèrent rapporter l’attitude de ce serviteur sans pitié au maître, cependant au lieu de rapporter systématiquement et souvent de manière stérile les mauvaises actions commises par notre prochain, ne devrions-nous pas tenter de l’édifier en lui enseignant par nos paroles (et notre exemple) la meilleure attitude à avoir en tant que chrétien ? N’était-ce pas l’attitude de Notre Bon Pasteur ; édifier les pharisiens et les scribes en faisant preuve de miséricorde lorsqu’il reprenait les pécheurs, en alliant à sa justice la douceur et la fermeté ? Examinons-nous avec humilité, et reconnaissons sincèrement que notre comportement n’est pas digne de toutes les grâces que nous recevons ; ne soyons pas durs outre mesure car nous sommes bien indulgents quand il s’agit de nous-même.
“Mettez, Seigneur, une garde à ma bouche et veillez à la porte de mes lèvres. N’inclinez pas mon cœur à des paroles de malice, pour prétexter des excuses à mes péchés.” Ps. 140, 2-4 (prière durant l’encensement à la messe solennelle ou chantée).
De l’Homme corrompu face au divin modèle de la perfection à laquelle nous devons aspirer
“La charité n’est point envieuse ; elle n’agit pas insolemment ; elle ne s’enfle point d’orgueil ; elle n’est point ambitieuse, elle ne cherche point son propre intérêt ; elle ne s’irrite point ; elle ne pense pas le mal ; elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle met sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout.”
Notre-Seigneur l’a bien rappelé, celui qui aime sincèrement Dieu et son prochain en pratiquant la charité tout en appliquant la Loi pourra prétendre à la couronne éternelle.
“Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui. » (Jean 15, 10)
Cependant, les traces laissées dans notre nature par le péché originel de nos premiers parents, Adam & Eve, nous affaiblissent. Ainsi les créatures (êtres ou choses), moyens auxiliaires pour notre sanctification selon la volonté de Dieu tendent à détrôner notre vraie fin, Dieu, donnant accès à la vie éternelle de l’âme, pour devenir des fins en elles-mêmes. Ces attaches désordonnées aux créatures nous rendent envieux, méprisants, ambitieux, égoïstes, rancuniers, irritables, haineux, nous font juger témérairement : elles enflent notre orgueil et nous rendent semblables au chef des anges déchus, Lucifer, tombé pour ce péché capital et qui cherche à nous faire tomber de la même manière en enfer.
Mais quelle attitude le chrétien doit-il adopter ? Les deux facultés supérieures dont l’âme humaine fut initialement pourvue, à savoir l’intelligence, ayant pour but de chercher la vérité, et la volonté ayant pour but de chercher le bien sont désormais affaiblies dans notre âme blessée par l’ignorance et la malice. Le baptême lavant notre âme du péché originel, par le sang du Christ versé sur la Croix, il nous reste à suppléer à ces facultés notamment par le biais d’exercices spirituels réguliers tels que l’oraison quotidienne (ou a minima par des lectures spirituelles et l’instruction religieuse). S’appuyant sur l’Evangile, parole vivante de Dieu, « l’enfant, une fois devenu homme » saura croire, espérer, se réjouir de la justice ; excusera tout en supportant les épreuves, occasions de sanctifications permises par la très Sainte Trinité. S’abandonnant à la Providence divine, il saura chercher la volonté du Père éternel et inspiré par l’Esprit-Saint, de par la méditation de l’exemple de la vie de l’homme-Dieu parfait : Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui nous enseigne qu’il nous faut porter notre croix avec Lui, il pourra parvenir par sa Passion et par Sa croix à la gloire de Sa Résurrection (prière de l’Angélus).
Chers compagnons de route sur la voie du Salut, tenons-nous prêt en cette fin de Carême, munis des sacrements et armés par la prière, et veillons “parce que nous ne saurons pas à quelle heure notre Seigneur viendra” (Matthieu 24, 42-47). Avertis par l’apôtre des Gentils :
“Maintenant ces trois vertus demeurent : la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois est la charité.“
purifions nos intentions, en renouvelant aussi souvent qu’il nous sera nécessaire cette demande d’intercession à Saint-Joseph, en ce mois qui lui est dédié :
“Bienheureux Joseph, père et protecteur des âmes virginales, gardien fidèle à qui furent confiés le Christ Jésus, l’innocence même, et Marie, Vierge entre les vierges, je vous en prie et vous en conjure, par Jésus et Marie, ce double dépôt si cher à votre cœur, préservez-moi de toute souillure et donnez-moi un esprit droit, un cœur pur, un corps chaste, pour servir à jamais Jésus et Marie avec une aimante piété. Ainsi soit-il”
Via ad Salutem, ad Majorem Dei Gloriam
« L’aumône faite à son prochain n’est en rien un acte de vertu si l’on donne son superflu. »
Qu’est-ce que le superflu ? c’est ce qui reste à la fin du mois une fois tous les frais payés ?
Comment puis-je donner plus que mon superflu ?
Saint Anne et Saint Joachim donnaient 1/3 au culte, 1/3 aux pauvres, et gardait le dernier tiers pour leur entretien.
Si l’on considère que ce qui n’est pas superflu est, par exemple, l’argent qui sert à se nourrir : on peut alors jeûner et faire l’aumône avec l’économie qu’on a fait par ce jeûne. On peut aussi différer un achat de confort pour faire l’aumône.
Merci de votre réponse.
La règle des trois tiers est très difficile à tenir dans le monde actuel, où un tiers des revenus ne suffit pas pour vivre chez la plupart des gens.
De plus, à notre époque, les œuvres de miséricorde sont souvent prises en charge – certes de manière laïcisée – par l’Etat (hôpitaux, aides sociales, allocations familiales) grâce à l’argent des impôts. Donc on donne déjà par ce biais et il ne reste plus grand’chose une fois les impôts payés!
Sinon, d’accord avec vous, on peut différer ou annuler une dépense de confort pour faire l’aumône dans le cadre d’une œuvre bien précise (pour ma part la conférence Saint-Vincent-de-Paul).
Mais la question demeure : combien doit-on donner par rapport à un salaire d’aujourd’hui compte tenu de la pression fiscale ?
Ma foi il me parait bien difficile de vous répondre précisemment.
Je pense que c est à chacun en son âme et conscience de jauger quelle aumone empiéte sur le superflu et laquelle nous coûte réellement un sacrifice (qui doit rester raisonable et ordonné sans nuire au devoir d’Etat)
Vous marquez un point sur le fait que le système crypto communiste que nous subissons rèduit la possibilité d aumone volontaire (donc de charitè) par une ponction désmesuré et forcé, qui sert en plus à des fins damnables (prendre en charge les avortements, la contraception, subventionner les journaux de l’Empire et la Culture Woke etc…)
Tout à fait d’accord avec votre énumération de toutes les œuvres impies que nous sommes contraints de financer. On pourrait ajouter les dépenses phénoménales liées à l’immigration et au « GR » (scolarisation, assistanat multiforme, plans banlieues, subventions « culturelles », soins gratuits, réparation du mobilier urbains, forces de l’ordre, système judiciaire et pénitentiaire, etc., etc.)
C’est de la charité devenue folle.
Nous payons pour disparaître ! 🙂