Les Croisades : Chapitre II

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INTRODUCTION

Nous avons vu dans le chapitre précédent comment les Croisés européens ont réussi par une prompte campagne à prendre la Ville Sainte aux infidèles.
Mais s’installer en Terre Sainte n’était pas une fin en soi, rappelons que le but de l’opération était de porter secours aux chrétiens persécutés et réduits en esclavage par les Mahométans. Il s’agit d’expliquer dans cet article, comment l’assise des Seigneurs Francs s’est consolidée par une gouvernance stable, la contraction de multiples alliances et un effort de guerre perpétuel pour établir de nouvelles conquêtes et préserver celles déjà accomplis.
Godefroy de Bouillon vient d’être choisi par ses pairs pour gouverner Jérusalem, prenant le titre d’Avoué du Saint Sépulcre, malheureusement, sa mort interviendra un an plus tard, ne laissant pas le temps à cet homme valeureux de mener à bien tous ses projets politiques.

LE PREMIER SOUVERAIN FRANC DE JÉRUSALEM

Pour mettre en lumière la piété de Godefroy, je laisse d’abord la parole au chroniqueur allemand Albert d’Aix sur le comportement du Duc à son arrivée dans la Ville Sainte :

« tandis que tout le peuple chrétien […] faisait un affreux ravage des Sarrasins, le duc Godefroy, s’abstenant de tout massacre , […] dépouilla sa cuirasse et, s’enveloppant d’un vêtement de laine, sortit pieds nus hors des murailles et, suivant l’enceinte extérieure de la ville en toute humilité, rentrant ensuite par la porte qui fait face à la montagne des Oliviers, il alla se présenter devant le sépulcre de Notre Seigneur Jésus-Christ, fils du Dieu vivant, versant des larmes, prononçant des prières, chantant des louanges de Dieu et lui rendant grâces pour avoir été jugé digne de voir ce qu’il avait toujours si ardemment désiré »

Les Fatimides murissaient une riposte à la suite de cette prise prestigieuse des troupes Franques. Ils se mirent en route une semaine après l’élection de Godefroy, et furent arrêtés et vaincus le 12 août dans les plaines par une armée mené par Godefroy, Tancrède, Raymond de Saint Gilles et Robert de Normandie.
Un émissaire Égyptien, entendant parler de l’illustre réputation du nouveau Souverain de Jérusalem (Guerrier intrépide, Chrétien sans reproche, Chef magnanime etc…) vint à sa rencontre dans sa tente. Il lui emmena un chameau pour le mettre au défi, lui demandant de le couper en deux, Le Duc de Basse-Lotharingie montra au grand jour sa force prodigieuse et s’exécuta aussi légèrement que si c’était une oie -quel bourrin-.
Ceci peut paraître quelque peu quétaine, mais c’était surtout un moyen d’envoyer un message pour montrer aux ennemis à quel chef ils avaient affaire afin de les effrayer. L’émissaire fut aussi édifié par l’ascèse et la modestie du Duc, il était seul, sans escorte, habillé simplement et assis par terre. Sur le retour de cette expédition, Raymond de St Gilles et ses hommes sauvèrent la Ville byzantine de Lattaquié d’un énième coup fourré de Bohémond, qui voulait se l’accaparer.
Le Protecteur du Saint Sépulcre, au delà de l’aspect militaire, avait désormais la charge de la distribution de terres aux chevaliers, la conquête des villes aux alentours, la pacification, la remise en route de la vie économique du pays et
l’exercice de la justice. Par prudence, il mettait du cœur à l’ouvrage concernant les relations avec les émirs locaux, il était un diplomate raffiné et un fin négociateur.
Il tomba malade après avoir mangé une pomme de cèdre, et rendit son âme à Dieu le 18 juillet 1100.

BAUDOIN IER PREND LES RÊNES

C’est donc le petit frère de Godefroy qui lui succède sur le Trône Hiérosolymitain. Il a revendiqué son titre dés la mort de son ainé. Il n’aura pas la même délicatesse que lui, et il se fera sacrer Roi de Jérusalem, dans l’Église de la Vierge à Bethléem.
Au début de son règne, une croisade de renfort parti de Lombardie, vint dans le but consolider nos troupes. Cette armée dont Raymond de Saint Gilles prendra la tête, essuiera un échec retentissant en Anatolie -plus de 200 000 hommes tombés au combat-, le plus navrant étant que la finalité de l’entreprise était de libérer Bohémond -encore lui…- qui avait été fait prisonnier. Raymond de Saint Gilles, lui, perdra la vie le 28 février 1105 en tentant de prendre Tripoli.
Pour en revenir à Bohémond, il retrouva sa liberté après d’habiles négociations avec Gumuchtékin, et rentra à Antioche. Après avoir subit une défaite par encerclement (Byzantins à l’Ouest, Arabes à l’Est), il rentra en France pour prêcher auprès du Roy Philippe Ier, une autre croisade contre … les Byzantins, qui se solda par un échec face à son meilleur ennemi Alexis Comnène. Il rentra enfin en Italie, ou il mourut dans l’anonymat en 1111.
En l’an 1108, on assiste à un épisode inédit et cocasse -pour ne pas dire désolant-, une guerre entre des Franco-Turques -Baudouin et Djawali- et … des Franco-Turques -Tancrède et Ridwan-, c’est à se demander ce que certains font en Terre Sainte, ils ne servent pas Dieu mais seulement leurs misérables ambitions. Les âmes pieuses étaient scandalisés par ces haines féodales qui surpassaient les discordes religieuses et ethniques. Mais Baudouin Ier en bon suzerain médiateur, fini par régler ces conflits entres Seigneurs Francs, ce qui nous permis enfin, le 12 juillet 1109, de prendre Tripoli aux Turcs. Ces derniers menèrent une contre-offensive, mais notre Bon Souverain avait su fédérer et coordonner une véritable coalition franque qui tint tête aux infidèles. Son Royaume (La Syrie Franque) tiendra bien après sa mort, jusqu’en 1186. D’un point de vu politique, son œuvre fût remarquable, mais en ce qui concerne les mœurs et la religion, le tableau est plus sombre. En effet, il épousa Adélaïde de Sicile qui était considérée comme le meilleur parti du siècle, en 1113, ce qui faisait de lui un bigame passible d’excommunication. Il finit par régulariser sa situation avant 1118, année de sa mort -que Dieu l’absolve-.

SOUS BAUDOUIN II

Le cousin du Souverain défunt, Baudouin II dit Baudouin du Bourg, anciennement Comte d’Edesse, fût proclamé Roi de Jérusalem à son tour, en 1118.
Celui-ci, parvint à extorquer 30 000 besants à son beau-père arménien, Gabriel de Mélitène, en exploitant de façon malhonnête les traditions locales. Il lui fît croire qu’il était menacé de se faire couper la barbe, si il ne parvenait pas à régler leur solde à ses chevaliers. Ceci étant le déshonneur suprême chez les arméniens, le beau-père aligna la somme sans hésiter… Cela nous donne une idée du degré de cupidité du nouveau Roi. Mais ceci étant dit, il n’a pas fait que de mauvaises choses, loin de là.
Il défendait promptement ses vassaux, en particulier à la Principauté d’Antioche entre 1121 et 1122, à laquelle il porta plusieurs fois secours, elle qui était submergée par les Turcs. Le 18 avril 1123, il fût fait prisonnier dans les geôles de Khropost, au Kurdistan, surpris par ses ennemis lors d’une chasse au faucon. Il fût libérer par un maigre bataillon de 50 Arméniens déguisés en mendiants et en moines, mais à nouveau encerclé par les Turcs quelques temps après, il envoya Jocelin mander de l’aide, mais sans succès. La faute à la promptitude de Balak, officier turc, qui reprit la place avant l’arrivé des renforts. Il n’épargna que le Roi et massacra tous ses sujets Francs et Arméniens.
Pendant sa captivité, c’est Guillaume du Bures -Sire de Tibériade-, qui assura la régence à Jérusalem, il commanda la prise de Tyr le 7 juillet 1124, l’occasion de voir à l’œuvre l’esprit chrétien de nos croisés, qui firent preuve d’une grande clémence envers les vaincus, épargnant les prisonniers et leur proposant la paix à bon prix. Quelques semaines plus tard, le 29 août, Baudouin II est libéré contre rançon par le nouvel émir Timouratch.

« Les Turcs avaient fait un assez mauvais marché en libérant ce grand renard » Chroniques Arabes

Les Haschischins (Assassins), secte qu’on peut qualifier « d’anarchiste » en opposition avec les Islamistes plus orthodoxes, est un courant se réclame comme des disciples de l’oncle du faux-prophète Muhammad, qui selon eux, serait le véritable prophète dont le neveu se serait attribué les mérites avec ingratitude. Ces derniers étaient prêts à tout pour nuire à l’Islam majoritaire, jusqu’à s’allier avec les Francs, proposition qu’ils formulèrent plusieurs fois en cette période, ce que Baudouin II a toujours refusé. Ils étaient -comme leur nom l’indique-, réputés pour leurs fréquentes fomentation d’assassinats ciblés sur des têtes puissantes.
D’autre part, Alix, la fille félonne de Baudouin complotait contre son père, étant même prête à livrer Antioche -dont elle était régente après la mort de Bohémond II en Février 1130- aux Turcs. Le Roi de Jérusalem fût donc contraint de se proclamer régent à sa place. Il s’éteint lui, le 21 août 1130 en habits monastiques, après avoir maintenu, accru et consolidé la conquête Franque, treize années durant.

DE FOULQUE D’ANJOU À BAUDOUIN III

Foulque d’Anjou se proclame Roy au Saint Sépulcre le 14 septembre 1131, il était le gendre de Baudouin, et surtout, le patriarche de la futur dynastie des Plantâgenet, qui trahiront la France pour se faire Rois d’Angleterre et combattre Louis VII… et quelques décennies plus tard, se heurter à notre Souverain d’heureuse mémoire, Philippe-Auguste.
En 1137, Foulque d’Anjou est assailli par les Turcs à Montferrand, mais signe de la cohésion Franque en Terre Sainte, Raymond de Poitiers, nouveau prince d’Antioche, risque la perte de sa précieuse possession pour porter secours à son Roy. Les tensions entre Francs et Byzantins reprirent de plus belle, ce qui profita à Zengi, nouveau chef d’une faction de l’Islam Abbasside. Il failli annexer Damas -qui appartenait à l’émir Ossama- à son Empire, mais le Roy de Jérusalem intervint pour bouter Zengi loin de l’actuel capital Syrienne. Ossama lui en sera reconnaissant et viendra même comme ambassadeur à Jérusalem, ce liant d’amitié avec les Templiers qui avaient investi la Mosquée d’Omar, le laissant prier à son gré.
Foulque d’Anjou rendra son âme à Dieu le 13 novembre 1143, et à sa suite, la Ville Sainte sera gouverné par différents régents et usurpateurs, jusqu’à la majorité de Baudouin III à la Pâques 1152.

CONCLUSION

Nous avons donc vu comment les Francs par un travail incessant d’extension et de consolidation de leurs conquêtes, se sont installés progressivement en Terre Sainte. Tous les Souverains évoqués n’étaient pas tous des modèles de piété et de vertu, mais il faut leur reconnaître une compétence politique certaine, qui a permis à cette Syrie Franque de se pérenniser. Dans ce contexte de domination des Chrétiens en Orient, deux hommes légendaires vont se lever.
Côté Arabe, le fils de Zengi, Nour-el-Din, fier et pieux pratiquant de l’Islam, ayant toutes les qualités d’un chef de guerre, d’un Juste et d’un Saint, va menacer notre hégémonie, avec la manière. C’est ce que pour ma part, je trouve particulièrement touchant dans ce temps des Croisades, c’est ce respect mutuel entre les plus Justes des Chrétiens, et les plus Justes des Mahométans, qui guerroient pour ce qui leur semble respectivement juste, mais avec un code d’honneur, une miséricorde envers les vaincus, et un cœur toujours tourné vers leur Dieu -qu’il soit Vrai ou Faux-.
L’autre homme qui se lève, dans l’extrême occident Chrétien, c’est le plus célèbre Saint de ce siècle, Saint Bernard de Clairvaux, qui après avoir accompli une œuvre monastique et théologique remarquable, en joignant les actes aux paroles, s’en va prêcher le 31 mars 1146, la IIème Croisade à l’Assemblée du Vézelay, en réaction à la perte d’Edesse. Il convainc notamment Conrad III, Empereur d’Allemagne de se croiser à la suite de Notre Bon Roy Louis VII.
Saint Bernard sera l’objet du prochain article qui lui sera entièrement consacré, celui-ci constituera une annexe de mon dossier sur le temps des Croisades.
Rendez-vous le 19 avril !
Que Dieu vous garde,

Servus Mariae

Bibliographie
– Dix Héros Français, Ivan Gobry
– Le Grand Schisme d’Occident, M.L Salembier
Godefroy de Bouillon, Alphonse Vétault
Godefroy de Bouillon, J.Collin de Plancy
– L’épopée des Croisades, René Grousset
– L’esprit de la Croisade, Jean Richard
– Histoire du Catholicisme en France, E.Delaruelle-A.Latreille-S-R Palanque
– Histoire de France, Jacques Bainville
– Histoire de la France, Jean-Christian Petitfils
– Pour en finir avec le Moyen-Age, Régine Pernoud
– Vie de Saint Bernard de Clairvaux, Guillaume de Saint Thierry

Publié par Louis-Antoine

Auteur-compositeur-interprète, rédacteur et analyste historique, politique et théologique. Propriétaire du domaine https://dieulafranceetleroy.fr et auteur de l'album du même nom.