Les Croisades : Chapitre III

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INTRODUCTION

Vous pouvez retrouvez les trois premiers articles sur ce même sujet ici même :
Genèse
Chapitre I : Du Concile de Clermont à la Prise de Jérusalem
Chapitre II : De Baudouin Ier à Foulque d’Anjou
Aujourd’hui, nous nous intéresserons au personnage de Saint Bernard de Clarivaux, instigateur de la IIème Croisade (1146), sa vie, son œuvre, les origines de son ordre ,le contexte dans lequel il a prêché cette croisade et malgré la sainteté éminente de son prédicateur, l’issue désastreuse de celle-ci.

L’HOMME DU SIECLE

Au même titre que le XVIIème siècle est communément appelé le siècle de Louis XIV, on applique souvent la même formule pour le XIIème chez les historiens et les hagiographes : c’est le siècle de Saint Bernard.

« La grandeur du siècle de Saint Bernard, fût de croire en son message » Chanoine Delaruelle

Bernard de Clairvaux naquit en 1090 à Fontaine-les-Dijon dans une famille de seigneurs bourguignon. Il étudie chez les chanoines à Chatillon sur Seine. Il acquiert dés son jeune âge une connaissance accrue de Saint Augustin, des Pères Grecs, de Cicéron et des Saintes Ecritures. Il fonde Clairvaux en 1115, inspiré par la règle bénédictine, où l’un de ses moines dira déjà de lui : « Voir un tel homme, c’est déjà s’instruire ».
Son influence est colossale sur son siècle et en particulier sur les hommes d’Eglise, il eût en effet pour élève le futur Pape Eugène III, qui continuait de prendre conseil auprès de lui durant son pontificat (1145-1153).
On peut qualifier Saint Bernard de grégorien dans l’âme, grand moraliste et de pénitent austère à en ruiner son corps, il condamne avec la même intransigeance les plaisirs défendus et les loisirs raisonnables. Il a légué une Doctrine à l’ordre des Templiers, étant l’un des premiers visionnaires à voir le métier des armes comme un moyen de sanctification.

« Son corps est recouvert d’une armure de fer, son âme d’une armure de Foi. » Saint Bernard

On peut raisonnablement le considérer comme le dernier Père de l’Eglise, dont il a été proclamé Docteur en 1830 par Sa Sainteté le Pape Pie VII.

OEUVRE ET PENSEE

« Toute vérité, même politique est contenu dans la Bible » Saint Bernard

Voilà une sentence on ne peut plus actuelle, quand depuis plus de deux siècles on tente de nous convaincre, et aujourd’hui au sein même de l’Eglise Romaine, que le christianisme pourrait arriver à un prétendu saut qualitatif en embrassant et assimilant des doctrines étrangères à elle même, il est bon d’invoquer ce Saint pour couper court à cette dangereuse erreur.
Son rappel est capital et à la fois d’une logique implacable, pourquoi chercher ailleurs que dans les Saintes Ecritures, qui sont une Révélation de la Sagesse Eternelle de Dieu, les réponses à nos problématiques temporelles ?
Prétendrions-nous qu’il y ait des directives indispensables à la bonne marche d’une société, que le Bon Dieu aurait omis de nous soumettre ?
On le verra particulièrement au début du XIVème siècle dans les joutes théologiques entre le Roy de France Philippe le Bel, et le Pape Boniface VIII, que tout débat politique peut et doit prendre pour base de réflexion la Révélation. Les progrès moraux de la fin de l’Empire Romain d’Occident -à partir de Constantin le Grand- où encore la société chrétienne rayonnante de la fin du Moyen-Age partout en Europe, sont des exemples indéniables de la nécessité de soumettre toute Loi ou Idéologie humaine, à la Sagesse de Dieu… et à fortiori, le Renaissance, la Reforme puis la Révolution ayant détruit successivement cet ordre social chrétien nous menant à notre époque dans laquelle nous vivons, où l’on érige le vice en loi, déplorant une société sans repère, sans honneur, sans valeur, sans charité et sans justice, sont des preuves supplémentaires s’il en fallut, de la véracité des dires de Saint Bernard.

 » La somme des biens mis à la disposition du genre humain étant limité, il ne faut pas produire plus, mais rétablir une certaine égalité par l’aumône.  » Saint Bernard

 » L’inégalité des classes est providentielle  » Saint Bernard

Il est bon voir un tel contre-pied à l’idéologie dominante de notre temps (capitalisme/communisme qui sont les deux faces d’une même pièce ; le matérialisme). Contre-pied également à la fadaise de l’Egalité érigé en bien suprême et incontestable, sans même se soucier des conséquences de celle-ci.
Voyons maintenant concrètement le modèle prôné par Saint Bernard.

UN MONACHISME SINGULIER

En 1098, le cofondateur -avec Albéric de Citeaux et Etienne Harding- de l’ordre des cisterciens, Robert de Molesme, émigre à Cîteaux et fonde l’Abbaye que Saint Bernard rejoindra en 1112. Ce dernier sera canonisé en 1220 par le Pape Honorius III.
L’ordre est donc une branche bénédictine, dont je vous résume ici la spécificité.
Saint Benoît, à la suite de Saint Colomban, était l’un des Pères du Monachisme, sa réglé consistait à ce que le religieux est une vie semblable au paysan ; travail servile, jeûne et fatigue. Il avait d’ailleurs compris que l’épuisement lié au travail réduisait les tentations à l’heure de sommeiller, en particulier contre l’impureté.
La règle n’ajoutait pas d’extravagantes austérités corporelles, pour éviter de rebuter le chrétien moyen. Le modèle économico-social de l’ordre est un digne reflet de ce que devrait être une micro-société chrétienne, l’enrichissement est proscrit, on vend au rabais lorsqu’on est excédentaires, au plus grand bonheur des paysans des alentours des monastères. Dans le contexte du VIème siècle, l’œuvre de Saint Benoît avait aussi pour fin d’adapter la règle de Saint Colomban, la rendant plus accessible et donc plus propice à s’étendre massivement. En résumé, l’ordre concilie avec génie des exigences pouvant sembler contraire ; indépendance économique et activité liturgique, activité apostolique et refus du monde
C’est donc là que Bernard de Clairveaux puise son inspiration pour étendre le monachisme cistercien, et on constate tout au long de sa vie qu’il s’est montré aussi bien capable de vivre en parfait ermite cloitré, ne parlant que pour conseiller ses moines, qu’en prédicateur éloquent, prêchant et contribuant au progrès spirituel des simples fidèles.
La prospérité de l’ordre tient grandement à la Sainteté de Bernard, mais il faut aussi le dire, à l’appui perpétuel des Rois et des Papes du temps, qui l’ont favorablement plébiscité et appuyé financièrement… papes d’ailleurs sur lesquels Saint Bernard avait grande influence, puisqu’il est pour beaucoup dans l’élection au Saint Siège d’Innocent II (1130) et d’Eugène III (1145). Son ordre a fourni 94 évêques et 1 pape, rien qu’au XIIème siècle.

INFLUENCE SUR LES CROISADES

Le 31 mars 1146, en réaction à la perte d’Edesse, le moine mandaté par le Pape, prêche la IIème Croisade à l’Assemblé de Vézelay… en présence du Roy, d’Aliénor d’Aquitaine et 100 000 personnes venus l’entendre. Il parvint à convaincre Conrad III, empereur d’Allemagne, de se croiser à l’exemple de Notre Bon Roy Louis VII, il lui remet la Croix, ainsi qu’à son neveu, le célèbre Frédéric Barberousse. Outre-celà, il convaincra une bonne partie de la haute-noblesse du temps de se croiser ; Thierry d’Alsace, Robert Ier de Dreux, Alphonse Ier de Toulouse, Guillaume II de Nevers, Henri VII de Lusignan etc…
Cette croisade fût quelque peu disparate, elle commença avant même de se diriger vers la Terre Sainte, par une tentative d’offensive contre les Slaves païens, pour faire qu’ils se convertissent, ce qui n’eût pas un grand succès… En revanche, le contingent Anglo-Ecossais partant de Dartmouth pour prêter main-forte aux Portugais face aux infidèles, permit de reprendre Lisbonne le 24 octobre 1147 pour le remettre au Roy Alphonse Ier, tandis qu’en Espagne, Alphonse VII de Castille -grand-père de Blanche-, Garcia Ramirez et Raymond-Béranger IV reprenaient enfin Alméria le 17 octobre 1147.
En Terre Sainte, les Seldjoukides défont l’armée de Conrad à Dorylée le 25 octobre 1147, les quelques survivants rejoindront l’armée française de Louis VII quelques mois plus tard aux alentours de Nicée. Le Roy commit alors une erreur stratégique condamnable, le but de la Croisade était Edesse, il fît au contraire le choix de s’attaquer aux Damasquins, qui étaient inoffensifs et qui plus est, étaient d’anciens alliés, contrairement aux Alépiens dont la dangerosité se manifestera immédiatement par leur chef Nour-El-Din. Le siège de Damas se solde par un échec cuisant le le 28 juillet 1148. Un an plus tard, à leur arrivé à Jérusalem, le Roy de France et l’Empereur d’Allemagne eurent vent de la décaptiation de Raymond, Roi d’Antioche, ce qui fût un coup dur sur le moral des troupes et des croisés, ils rebroussèrent alors chemin pour rentrer respectivement en France et en Allemagne, sans aucune victoire militaire.
Saint Bernard attribue l’échec de la IIème Croisade, aux péchés commis par les croisés, qui n’ont pas su mériter de Dieu Son Aide Toute-Puissante, ce qui sera également le cas durant la Croisade de Saint Louis en Egypte un siècle plus tard, où les scandales, les impuretés et le manque d’esprit chevaleresque de certains, ont attiré l’ire du Seigneur sur nos armées. Dieu permettant que nous fûmes humiliés et vaincus par les Mahométans, nous n’avions plus qu’à nous soumettre à sa Divine Volonté, et nous relever pour espérer enfin les vaincre.

CONCLUSION

« Nous devons être unanimes, sans divisions entre nous : tous ensemble, un seul corps dans le Christ, en étant membres les uns des autres » Saint Bernard

Si on considère l’ampleur et l’impact de l’œuvre de Saint Bernard, cet échec peut semblait annecdotique, mais elle méritait d’être souligner, d’autant qu’on ne peut pas tellement lui imputer.
Mais revenons plutôt sur le sujet principal que je met en lumière par cette série d’articles ; le Temps des Croisades est fait de haut et de bas, de gloire et de honte, d’éblouissants succès et d’acerbes désillusions… mais nous verrons par la suite, qu’encore, le Bien et le Vrai triomphent toujours et que lorsque les Croisés s’en montrent digne, le Seigneur leur donne la victoire.
Baudouin III deviendra majeur et sera couronné à Jérusalem à la Pâques 1152 dans un contexte houleux fait de complots familiaux et féodaux… Son règne ouvrira une ère où les protagonistes de part et d’autres seront d’authentiques héros, Baudouin III et Amaury Ier côté Franc, Nour-El-Din et Saladin côté Arabe.
C’est ce que je vous narrerais au prochain chapitre, qui s’étendra du Couronnement de Baudouin III (1152) au début de la IIIème Croisade (1187) à laquelle se joindront Notre Bon Roy Philippe Auguste, et Richard Cœur de Lion (1190).
D’ici là, que Dieu vous garde !

Servus Mariae

Bibliographie
– L’épopée des Croisades, René Grousset
– L’esprit de la Croisade, Jean Richard
– Histoire du Catholicisme en France, E.Delaruelle-A.Latreille-S-R Palanque
– Saint Bernard et l’Art Cistercien, Jean Duby
– Histoire de France, Jacques Bainville
– Histoire de la France, Jean-Christian Petitfils
– Pour en finir avec le Moyen-Age, Régine Pernoud



Publié par Louis-Antoine

Auteur-compositeur-interprète, rédacteur et analyste historique, politique et théologique. Propriétaire du domaine https://dieulafranceetleroy.fr et auteur de l'album du même nom.